À propos

Breaker

Avant, j’entendais bien ! Jusqu’au jour où…

Contenus de cours tronqués dans les amphithéâtres de la fac, cassettes audio (déjà presque vintage !) inaudibles en cours d’anglais, colocataire qui s’esclaffe devant un film dont je ne perçois pas les dialogues… quelques indices assez déroutants ont pointillé les premiers mois de ma vie rennaise. À 18 ans, 3 mois et 17 jours, nouvelle déconcertante : je suis atteinte d’une surdité génétique. La seule solution ? Des appareils auditifs. Objets jusqu’alors très éloignés de mes préoccupations d’étudiante en langues étrangères appliquées… Ouille, bah oui, ça tombe assez mal ! À cette période, je n’ai aucune information, ni la moindre idée de ce qui m’attend.

De mal en pis : 5 ans de dégringolade…

Au cours des années suivantes, ma perte d’audition se poursuit au rythme vertigineux de 10 décibels par an. Des informations disparaissent régulièrement de mon environnement sonore. La voix surtout, les conversations que j’observe parfois sans pouvoir les partager. Je me débrouille quand même et compense comme je peux. Bientôt, pratiquement aucun son ne m’est accessible sans appareils auditifs. Un réveil vibrant fait son apparition sous mon oreiller.

…qui ont chamboulé ma vie…

Diplôme de LEA en poche, je mets rapidement cette passion entre parenthèses pour travailler dans un environnement essentiellement francophone. Avec la surdité, ce que je comprends d’une conversation en français ressemble déjà suffisamment à une langue étrangère ! Je ne vois pas comment surmonter ce double obstacle. Je m’éloigne aussi de la musique, sans jamais la délaisser complètement. Par un chanceux hasard, je fais la connaissance, auprès d’associations, de personnes également concernées par une perte d’audition. De belles rencontres qui m’apportent du réconfort, les réponses tant attendues puis l’envie de m’impliquer à mon tour pour faire avancer la situation des personnes concernées.

… mais pas complètement !

la vie sociale continue. J’y consacre une énergie dont je ne soupçonnais pas l’existence, avec des appareils réglés forts (à ma demande), obnubilée par le souhait de ne rien rater, de mener ces jeunes années comme je l’entends et comme si j’entendais. Il y a quelquefois des frustrations dans les interactions avec les autres mais, grâce à la complicité de mes proches, les renoncements se font rares. Ma vie professionnelle se construit aussi avec ça : tour à tour salariée, entrepreneure et les deux en même temps, j’ai pu la façonner à mes besoins pour m’exposer le moins possible à des difficultés de compréhension.

Me voici au bout de mes oreilles

En 2017, après 10 années de stabilité, les quelques décibels restants s’échappent progressivement et cette fois-ci, les échanges deviennent inaccessibles, épuisants. Pour la première fois, je prends conscience que j’entends moins bien en fin de journée et que les moments de « décrochage » se font plus fréquents. C’est aussi une année au cours de laquelle je lâche un peu prise sur le fait d’essayer de tout comprendre. Je m’initie à la langue des signes, apprivoise mon « presque silence » (quand même largement perturbé par des acouphènes). Le bruit m’agresse et la clarté des sons me manque ! Les efforts pour comprendre, la concentration, le déchiffrage permanent deviennent trop éreintants. Je suis prête pour l’étape suivante…

Ça se partage, non ?

Je vois l’implant comme un petit miracle de technologie et d’adaptabilité du cerveau autour de la question du langage, de la voix, du son. Devenir sourd puis réentendre un peu ? Il paraît que c’est possible alors je saisis cette chance et crée ce blog pour tenir informés ceux qui me soutiennent et aussi pour tous ceux qui auront envie de suivre cette aventure. J’y partagerai la découverte de ma nouvelle petite oreille et mon apprentissage de ce sujet – qui, au jour où j’écris ces premiers mots, porte une part de mystère.

Solène